Aujourd’hui, on va parler un peu de théorie. En pédagogie par projet, comprendre la théorie permet d’interpréter ce qui se passe sur le terrain et d’ajuster !
Donc dans cet épisode, nous plongeons en douceur dans les trois grands courants pédagogiques.
On décortique en termes simples ce que sont behaviorisme, cognitivisme et socio-constructivisme - et on regarde ce que ça veut dire pour notre approche projet.
Comme précédemment, vous avez le choix entre nous écouter au format podcast, ou nous lire un peu plus bas.
Bonne réflexion !
Pourquoi la théorie ?
L’intérêt de parler de théorie, c’est que derrière vous allez pouvoir approfondir et adapter votre pratique en interprétant ce qui se passe sur le terrain !
C’est comme en cuisine : si vous comprenez les réactions chimiques, vous pouvez facilement faire des substitutions d’ingrédients. De la même manière, comprendre la théorie va être votre arme pour prendre des décisions et ajuster à votre sauce votre pédagogie par projet.
Donc, il y a 3 grandes orientations en pédagogie, et on va voir comment la pédagogie par projet se situe par rapport à chacune.
Il y a donc 3 courants pédagogiques, qu’on pourrait appeler, pour le 1er, le par coeur, pour le 2nd, le guidage précis, et pour le 3ième le tatonnement.
Le par coeur (behaviorisme)
Le par coeur, c’est ce qu’on appelle le behaviorisme.
Lors d’un apprentissage behavioriste, on ne cherche pas à ce que l’apprenant comprenne ce qu’il fait, et encore moins qu’il soit adaptable.
C’est le truc des chiens de Pavlov, on cherche juste à ce que l’apprenant produise un comportement défini quand on lui présente un stimulus. Si quand on vous dit “1515” vous répondez par réflexe Marignan, vous êtes dans le behaviorisme.
Le behaviorisme, c’est presque l’exact inverse de ce qu’on essaie de faire en pédagogie par projet. En pédagogie par projet on cherche à développer l’adaptabilité, alors qu’un apprentissage behavioriste vise précisément à ce qu’on agisse toujours de la même manière !
Ça peut avoir un intérêt pour certaines tâches répétitives dans un environnement où il n’y a jamais de surprises, quand on travaille à la chaîne par exemple, mais ce n’est pas ce que nous cherchons en pédagogie par projet.
Allons voir du côté du 2nd courant.
Le guidage précis (cognitivisme)
Le second grand courant, c’est le guidage précis. C’est ce que dans la littérature on appelle le cognitivisme, où on va considérer le cerveau comme un petit ordinateur qu’il faut entraîner à faire des tâches de la bonne manière.
Là on ne va pas directement dire à l’apprenant comment se comporter, mais on va lui dire comment penser. On va lui dire quelles questions se poser, et on va lui donner des procédures mentales qu’il doit reproduire pour arriver au bon résultat.
Par exemple, si vous faites un atelier CV avec des étudiants et que vous leur montrez étape par étape comment procéder, tout en expliquant votre raisonnement à voix haute - vous êtes dans une approche cognitiviste. Vous allez leur dire des trucs comme “cette mission-là je l’inclus parce qu’elle correspond bien à l’emploi pour lequel je postule” afin de rendre visible et explicite votre raisonnement. Vous êtes dans une approche cognitiviste parce que vous essaye de faire en sorte que les apprenants réfléchissent comme vous.
Là, c’est franchement efficace si on veut que l’apprenant respecte les standards et qu’il réfléchisse comme les autres.
Alors, est-ce que la pédagogie par projet est une approche cognitiviste ?
Ça dépend de comment elle est implémentée. Ça ne dépend pas tant du livrables que de votre degré de guidage.
Mais si vous visez l’adaptation en environnement inconnu, une approche très cognitiviste va vous desservir parce que l’apprenant aura appris à réfléchir comme vous mais il n’aura pas développé un point de vue personnel sur ce qu’il apprend. Il n’aura pas accès au sens profond de ce qu’il fait, et il ne saura pas s’adapter à de nouvelles situations parce qu’il n’aura pas appris à gérer ses émotions et à tatonner.
Le tatonnement (constructivisme)
Le troisième grand courant, comme on l’a dit, c’est le tatonnement. C’est ce qu’on appelle le constructivisme, c’est-à-dire que l’apprenant reconstruit la connaissance en interagissant avec son environnement. Il expérimente, il tente des trucs, il observe comment réagit l’environnement et il en tire des conclusions.
Dans ce type d’apprentissage, c’est l’environnement qui donne le feedback. C’est du feedback authentique.
J’apprends à faire un gâteau, si le résultat est “douteux”, c’est mes papilles qui vont me faire passer le message. Là, je vais vraiment savoir qu’il faut que j’ajuste ma pratique parce que je ressens une émotion de dégoût. Ce sont mes émotions qui vont me dire que je DOIS ajuster ma pratique.
Et comme vous le savez, ce sont nos émotions qui guident notre prise de décision ! Donc si j’arrive à ressentir la conséquence émotionnelle de mon erreur - comme ici du dégoût - ça va envoyer le signal à mon cerveau que je dois mettre à jour ma décision et en prendre une différente dans le futur.
Bien sûr, ça implique d’être capable d’identifier la source de mon erreur. C’est là que l’encadrante ou la formatrice restent indispensables !
Et au-delà du constructivisme, il existe ce qu’on pourrait appeler la version deluxe du constructivisme : le socio-constructivisme.
Le socio-constructivisme
Le socio-constructivisme, lui, il ajoute une dimension sociale et culturelle à l’apprentissage. On prend en compte le fait que l’individu apprend avec les autres parce que derrière, ses connaissances, elles lui servent pour vivre en société. Et pour ça, pour que la société soit en harmonie, il faut que les gens comprennent les choses de la même manière.
Si vous, vous pensez qu’il est 9h, et moi je pense qu’il est 8h, à un moment pour se comprendre il va falloir qu’on se synchronise. Il va falloir qu’on négocie, qu’on se mette d’accord sur l’heure qu’il est.
Et donc selon le socio-constructivisme, pour apprendre il faut se confronter aux autres, et notamment aux conséquences de nos actions sur les autres.
Dans cette vision, apprendre c’est apprendre à faire avec les autres, en construisant un sens commun et en prenant conscience de notre impact sur les autres.
Et tout ça, c’est complètement aligné avec ce qu’on cherche à faire en pédagogie par projet. C’est bien sur le socio-constructivisme qu’on s’appuie quand on fait des projets. Parce que construire du commun et s’adapter à son environnement, comme on l’a dit au premier épisode, c’est ce dont on a besoin pour affronter les enjeux du 21e siècle !
Conclusion
Donc, récapitulons. On a différents courants théoriques, différentes conceptions de l’apprentissage, qui arrivent à des résultats différents. Est-ce qu’une approche est objectivement mieux que les autres ?
Non, tout dépend de vos objectifs et de votre intention !
Mais savoir que toutes ces approches existent va vous permettre de choisir laquelle est la plus appropriée à un instant donné. Si vous avez besoin que vos apprenants atteignent très rapidement la performance sur un point en particulier, vous allez peut-être passer brièvement en mode behavioriste.
Si vous voyez, pendant un projet, qu’un apprenant a du mal à développer une compétence en autonomie, qu’il se décourage, et que ça remet en question son engagement dans le projet, vous allez peut-être faire une remédiation cognitiviste pour l’aider à sortir de l’impasse et lui permettre de performer.
Mais c’est bien le fait de connaître ces différentes approches et les compromis qu’elles impliquent, qui va vous permettre de faire un choix éclairé.
On se retrouve dans le prochain épisode pour apprendre à faire face aux critiques lorsqu’on met en place une pédagogie par projet. Et oui, c’est que les pédagogues ont parfois des opinions bien tranchées ! A bientôt pour cette plongée en eaux critiques.