Animer un projet sur un temps long

Laurie Mezard
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Bienvenue dans ce nouvel épisode de notre série sur la pédagogie par projet.

Comme précédemment, vous avez le choix entre nous écouter au format podcast, ou nous lire un peu plus bas.

Bonne réflexion !

Aujourd’hui on va parler de comment on peut animer un projet sur un temps long, parce que vous avez beau proposer le projet le plus intéressant du monde, un projet ça reste un marathon sur une route pleine de nids de poule.

Une situation qu’on connait tous

D’ailleurs vous en avez déjà sans doute fait l’expérience dans votre vie professionnelle ou personnelle. Une nouvelle activité, le lancement d’un évènement au travail, un projet de développement personnel…

On sait comment ça se passe : au début on est enthousiaste, les bénéfices anticipés du projet sont clairs, on sait pourquoi on se lance. Tout le monde est remonté à bloc, il n’y a plus qu’à…

Et puis les jours passent, les semaines passent.

Le quotidien prend le dessus, on enchaîne les points de blocage et on s’essouffle devant l’inertie du monde, devant ce projet qui avance à pas de fourmis… On peut perdre de vue pourquoi on fait ça ou prioriser des tâches plus urgentes qui vont systématiquement reléguer le projet en arrière plan.

Pourquoi on fait ça ?

C’est que notre cerveau est câblé pour la gratification immédiate. Nos comportements sont renforcés quand on a un signal positif de notre environnement qui nous dit qu’on va dans la bonne direction.

Avec le mode projet, il est parfois difficile d’avoir un feedback rapide de l’environnement, et notre cerveau a du mal à faire le lien entre nos efforts et le retour sur investissement ! A moins d’avoir déjà fait l’expérience du travail sur un temps long, notre cerveau n’a pas de point de référence pour justifier la dépense de notre énergie.

Donc tout l’enjeu de l’animation d’un projet sur un temps long va être de donner du rythme pour re-mobiliser le cerveau et d’organiser des moments de feedback qui vont nous renforcer dans nos efforts.

Mais d’abord, commençons par le lancement du projet.

Le lancement du projet : une étape cruciale

Pour soutenir la motivation sur un temps long, il faut d’abord commencer par voir l’intérêt du projet.

Quelle terre promise vous peignez dans l’esprit de vos apprenants ? Qu’est-ce qu’ils ou elles vont réussir à accomplir ? Quel type de personne deviendront-ils une fois qu’ils ont réussi le projet ?

Au plus cette projection est forte, au plus les apprenants savent pourquoi ils ont intérêt à s’engager dans le projet, au plus la base sera solide pour qu’ils investissent leur énergie.

Différents types d’activités peuvent vous aider à faire ça, ça peut être des témoignages de role models, du storytelling, un travail sur les valeurs et les aspirations, l’explicitation des bénéfices par rapport au référentiel du diplôme ou à une évolution de carrière… ce qui est important c’est que chaque apprenant puisse donner du sens au projet.

Un étudiant devant l'interview d'un role model
Le témoignage d'un role model aide à mieux se projeter

Ensuite, il faut préparer les apprenants aux difficultés spécifiques du mode projet. Ça recoupe en partie ce que l’on disait dans l’épisode précédent sur la résistance aux pédagogies actives. Expliquez aux apprenants comment marche leur cerveau, comment marche la motivation, pourquoi vous avez choisi le mode projet et pas un cours magistral.

Faire cela va leur permettre de comprendre et de justifier les efforts supplémentaires qu’ils mettent dans le projet.

Mais au-delà de ça, ça va aussi objectifier - et donc permettre de mettre à distance - les difficultés. Ça va vous donner un vocabulaire commun pour parler de ces difficultés, sans qu’elles deviennent un jugement sur la personne - au contraire, elles seront vues comme quelque chose d’objectif contre lequel l’apprenant et le formateur vont faire alliance.

Ok, donc ça c’était pour le lancement.

Installer une routine pendant le projet

Tout au long du projet, que fait-on ? On l’a dit, il faut mettre en place des moments pour que l’apprenant ait du feedback de l’environnement qui le renforce dans son activité.

Espaces de partage et de réflexivité

Le premier moyen de faire ça, c’est d’avoir des moments de partage et de réflexivité en collectif. Entrer en résonance avec les autres, avoir le point de vue des autres sur nos avancées et nos difficultés, est une forme de feedback. Ça va nous aider à ajuster nos efforts et la direction de notre travail.

Ça va également donner de l’espace à l’expression des émotions négatives, des frustrations, des peurs - pouvoir exprimer ces émotions va permettre de les intégrer et de mieux les gérer. Et bien sûr, ça va aussi nous permettre d’apprendre de l’expérience des autres, de comparer nos méthodes de travail, de glaner des conseils et des idées de la pratique des autres !

Des étudiants travaillant ensemble
Echanger grâce au travail de groupe

Donc avoir des moments formalisés de partage, c’est essentiel. Ça peut prendre la forme de groupes de parole, d’évaluation par les pairs, de social learning plus ou moins structuré.

Plusieurs milestones

Le deuxième moyen de faire ça, c’est de découper le projet en milestones, en étapes intermédiaires que l’on peut célébrer. Ça fournit des objectifs réguliers et ça permet d’avoir des signaux objectifs qu’on est sur le bon chemin, même quand le projet est loin d’être fini. Ça, dans une séquence de formation, ça peut être matérialisé par des livrables intermédiaires, des évaluations formatives, de l’auto-évaluation…

Rituels

Le troisième moyen, c’est d’amener des rituels dans le projet. C’est ce que font très bien les méthodes Agile par exemple, avec leur rituel quotidien du stand-up meeting, qui est une réunion très courte - tout le monde est debout - pour exposer où l’on en est et les difficultés qu’on rencontre. Ce rituel permet d’identifier rapidement quand quelqu’un est bloqué et de mobiliser de l’aide du formateur ou d’autres apprenants si besoin. C’est aussi, ne nous le cachons pas, une forme d’engagement social qui met un peu la pression pour nous forcer à avancer !

Si le projet est un projet de groupe, vous allez aussi prévoir des rituels pour que le groupe se pose et évalue la qualité de sa collaboration. La développement de la collaboration, comme tout soft skill, se fait par un dialogue entre expérience et réflexivité. Comme la majorité des apprenants ne vont pas prendre ce temps de réflexivité par eux-mêmes, c’est à vous de mettre en place des moments dédiés à ce travail sur la dynamique du groupe !

Finir le projet comme il se doit

Enfin, pour finir, le dernier truc à prévoir dans votre animation de projet… c’est la célébration de la fin du projet !

Que leur livrable soit à la hauteur ou pas, il s’agit de célébrer les efforts, la progression de chacun, ou encore l’impact que vos apprenants ont eu dans le monde.

Ce qui compte, c’est de finir avec une grosse dose d’émotions pour que les apprenants prennent conscience de l’impact de leurs efforts… et puis pour leur amener cette récompense bien méritée qu’ils attendent après tous ces efforts !

Des étudiants qui font la fête
Il faut célébrer dignement une fin de long projet !

On commence à approcher la fin de cette série… mais avant, dans le prochain épisode, on va parler de comment s’appuyer sur une approche projet pour apprendre à apprendre.

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Laurie Mezard

Co-fondatrice et spécialiste Pédagogie


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