Apprendre à apprendre grâce à la pédagogie par projet

Laurie Mezard
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Bienvenue dans ce nouvel épisode de notre série consacrée à la pédagogie par projet.

Comme précédemment, vous avez le choix entre nous écouter au format podcast, ou nous lire un peu plus bas.

Bonne réflexion !

Aujourd’hui, on va parler de comment s’appuyer sur la pédagogie par projet pour développer cette fameuse compétence du 21e siècle, “apprendre à apprendre”.

Les liens entre approche projet et apprendre à apprendre

Alors, cette compétence est intimement liée à l’approche projet mais elles ne se recoupent pas complètement.

D’un côté, on peut apprendre à apprendre sans nécessairement avoir une approche par projet.

Par exemple si je veux apprendre les statistiques, je peux prendre un ou deux bouquins de référence, un bouquin d’exercices, et m’organiser pour faire un chapitre de cours et d’exercices par jour. Je vais me constituer des cartes mentales, me tester régulièrement pour vérifier que je me rappelle de tout et réaliser quelques challenges quand j’ai fini les bouquins pour m’assurer que je suis capable de faire des analyses pertinentes sur des jeux de données.

J’aurai fait tout ça sans faire un projet.

Une étudiante devant des livres
Un ordinateur, et quelques livres suffisent pour apprendre !

Au fond, apprendre à apprendre, c’est apprendre à être autonome dans ses apprentissages, c’est être capable de se fixer des objectifs d’apprentissage et de les atteindre en dehors du cadre d’une formation qui nous dit comment faire, mais ça n’implique pas forcément d’être en mode projet dans des situations réalistes complexes. Tout dépend des apprentissages que l’on vise.

De l’autre côté, l’objectif d’une approche par projet c’est de développer les compétences et le pouvoir d’agir, la capacité à s’adapter en situation inconnue. Ça implique d’être capable de faire ce qu’on ne sait pas faire, mais en réalité ça n’implique pas forcément de savoir acquérir des connaissances et des compétences de manière structurée. Pour une raison simple : c’est qu’on peut produire quelque chose qui marche sans comprendre ce que l’on fait.

Ça, c’est quelque chose que j’ai pu observer par exemple à l’Ecole 42, où l’on donne des projets aux étudiants mais sans les aider à structurer leur démarche d’apprentissage. Certains vont alors s’appuyer sur des pairs ou des tutoriels pour débloquer certaines situations, mais sans internaliser la compétence.

C’est un des paradoxes du projet : on peut produire un livrable sans réellement apprendre.

Et ça, c’est dû à une chose dont on a déjà parlé, c’est la surcharge cognitive.

Ce que nous dit la théorie de la charge cognitive, c’est que quand vous êtes en train de jongler avec trop d’informations inconnues et que votre mémoire de travail est saturée, vous n’avez plus de jus pour emmagasiner les connaissances en mémoire à long terme. Donc vous allez peut-être réussir à produire quelque chose en tâtonnant, mais vous n’allez pas réussir à faire des liens en mémoire à long terme et, quand le même problème se représentera, vous repartirez de nouveau de zéro.

Donc si on veut que les apprenants acquièrent vraiment des compétences en pédagogie par projet, et notamment cette meta compétence qui est d’apprendre à apprendre en autonomie, il faut accompagner et structurer la démarche d’apprentissage.

Développer la métacognition

Il faut aider l’apprenant à orchestrer ses apprentissages, c’est-à-dire l’aider à planifier, à contrôler et à débriefer ses actes d’apprentissage. Pour ça on utilise ce qu’on appelle la metacognition, c’est-à-dire le fait de nous positionner comme observateur de nous-même.

Je vous invite à visionner cette vidéo qui explore plus en détail ce concept :

Mais donc, prenons ces 3 étapes de planification, de contrôle et de débriefing dans l’ordre, je vais vous partager quelques pistes.

Diagnostiquer ses connaissances

Première étape, comment aider les apprenants à planifier leurs apprentissages ?

On peut d’abord leur mettre à disposition des outils de diagnostic. On peut leur donner des quiz d’auto-positionnement ou structurer une activité où ils partagent leurs connaissances actuelles en rappel libre ou avec une mind map par exemple, pour les aider à repérer les trous dans la raquette.

Ce qui est important, c’est de les aider à développer l’habitude de faire un état des lieux, d’identifier ce qu’ils ne savent pas, avant de commencer.

Un étudiant en train de remplir un quiz
Un quiz peut aider à s'auto-évaluer

Ensuite, une fois qu’ils auront identifié ce qu’ils ne savent pas, vous pouvez les accompagner dans la définition de leurs objectifs d’apprentissage et d’un plan d’action pour aller chercher les compétences manquantes.

Un plan d’action incluera typiquement les ressources dans lesquelles ils vont pouvoir puiser, des objectifs intermédiaires, et un moyen d’avoir du feedback pour évaluer s’ils vont dans la bonne direction.

Coacher lors de l’apprentissage

La seconde étape c’est vraiment ce contrôle, cette supervision de l’apprentissage en cours. Il s’agit, pendant l’activité, de poser des questions à l’apprenant pour qu’il se les approprie et que ça devienne une habitude pour lui.

Encouragez-le à se poser des questions :

  • Qu’est-ce que je comprends ?
  • Est-ce que je suis à l’aise avec ce que j’apprends ou est-ce que je me sens perdu ?
  • Est-ce que je pourrais faire autrement ?

Là l’objectif, c’est d’aider l’apprenant à devenir son propre coach et développer cette habitude d’observer son activité pour pouvoir remettre en question sa manière d’apprendre et s’améliorer jour après jour. Si l’apprenant n’a pas l’habitude de se poser ces questions-là, il a absolument besoin d’une présence qui le pousse régulièrement à se les poser.

Debrieffer ce qu’on a appris

Enfin la troisième étape, c’est le debriefing, c’est la réflexivité.

Ça c’est vraiment le truc où, si on ne le structure pas, il n’y a aucune chance que l’apprenant le fasse. Je dis aucune, ce n’est pas vrai, des fois vous avez un apprenant très mature qui va le faire, mais c’est vraiment très rare. Parce que ça fait partie de ces activités où le retour sur investissement n’est pas explicite, c’est très ingrat la réflexivité au début.

Donc il faut cadrer avec des scripts de retours réflexifs, des espaces de discussion sur les méthodes d’apprentissage pour que chacun partage son expérience.

Ma manière préférée de faire c’est le coaching entre pairs en groupes de 3 ou 4. On donne aux apprenants un guide avec le contexte et ce qui était attendu d’eux, des questions à se poser entre eux pour lancer la discussion et on les invite à rebondir, à résonner avec ce que disent les autres.

Ils vont pouvoir prendre connaissance des méthodes d’apprentissage des autres, glaner des conseils, et aussi voir qu’il n’y a pas de recette miracle, que c’est à eux d’expérimenter pour trouver ce qui leur convient le mieux.

Un groupe d'étudiants qui debrief
On groupe des étudiants pour qu'ils fassent un debrief ensemble

Montrer les ficelles aux étudiants

Un dernier truc pour conclure, c’est que toutes ces étapes il s’agit de les expliciter et de travailler leur sens avec les apprenants !

Quelqu’un me disait récemment, toutes ces activités, la supervision, la réflexivité, c’est sympa mais dès qu’on est plus derrière le dos les apprenants arrêtent de le faire. Je suis assez d’accord que si on livre simplement le processus mais que les apprenants ne savent pas au fond pourquoi ils le font, qu’ils ne cherchent pas à y donner un sens personnel, il y a peu de chance pour que ça ait un effet à long terme.

Donc il faut expliciter le design pédagogique, expliquer les choix qu’on a fait et regarder ensemble, formateur et apprenants, si ça marche et ce qu’on veut garder. Il faut aller au-delà du processus pour aller sur l’identité même de l’apprenant. Et ça… c’est un vaste sujet !

Je vous retrouve très vite pour l’avant-dernier épisode, où l’on va parler des écueils à éviter en approche projet.

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Laurie Mezard

Co-fondatrice et spécialiste Pédagogie


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